Une vigneronne portée par le sens du collectif
ANNIE MOYAT-JAURY
À Polisy, Annie est de toutes les initiatives qui permettent d’améliorer le cadre de vie et de gagner en attractivité pour développer l’activité des exploitations viticoles comme des autres acteurs socio-économiques de ce village de la Côte des Bar qu’y s’embellit à vue d’œil. Une vision d’avenir et une énergie déployées au service du collectif par une vigneronne engagée !
Dans le secteur de la Côte des Bar, certains vignerons ont l’habitude de dire « Les années en 1, an- nées de rien ». D’une certaine manière, ils détournent un vieux dicton agricole selon lequel « Les années de foin, années de rien ».
En abordant la problématique du gel, qui n’a hélas pas épargné ses vignes au cours des différents épisodes d’avril 2021, Annie Moyat-Jaury se remémore cette fameuse formule des années difficiles et elle la glisse au milieu de l’interview en faisant un peu la moue. Ce sera le seul et unique moment où elle se renfrognera au cours d’une longue conversation portant sur son métier de vigneronne et sur sa double implication dans la vie syndicale et municipale. Elle est d’un enthousiasme à toute épreuve, en effet. Et on pourrait l’écouter positiver pendant des heures tant elle se passionne pour son travail, pour le patrimoine, pour le vivre ensemble. « Je suis portée par la vie communautaire », résume-t-elle, animée par la notion de projet autant que par l’action conduite à travers la co-construction, la mobilisation du plus grand nombre.
Être une agitatrice d’idées ne lui déplaît pas, au contraire. Ses collègues, toutefois, sont parfois obligés de la freiner. « Le but, insiste-t-elle, est de contribuer à façonner le meilleur cadre de vie possible, favorable à tous, aux habitants de nos communes comme à celles et ceux qui viennent nous rendre visite sur des terres viticoles accueillantes ». Rien, ni le gel noir ni les gelées blanches, ne semble pouvoir la détourner d’une philosophie qui consiste chez elle à voir la vie en rose. Mais aussi et surtout, en vert…
Certifications HVE et VDC toutes fraîches
L’environnement fait partie des sujets prioritaires pour cette viticultrice tout juste âgée de 43 ans (en juin) qui est pleinement heureuse d’être ce qu’on appelle dans le vignoble une vendeuse au kilo. Ses raisins sont livrés pour partie à une maison de négoce et pour l’autre à une vigneronne de Polisy. Elle sait de quelle manière sont transformées les grappes qu’elle a pris soin de cultiver dans une démarche de culture plus que raisonnée. « Je m’inscris dans la viticulture durable et je viens d’apprendre il y a quelques jours seulement que j’avais décroché la double certification HVE et VDC. J’attends juste le justificatif désormais », déclare- t-elle. Tout sourire, elle précise qu’elle a mené ce travail en 2020 avec la Chambre d’agriculture de l’Aube et que tout s’est bien passé. « La certification, il ne faut surtout pas s’en faire une montagne. Certes il faut produire davantage de papiers, mais, quand on travaille en raison- né depuis pas mal de temps, il n’y a pas grand chose à modifier dans ses pratiques. Personnellement, j’ai dû rectifier un écart mineur : changer les cache-plants utilisés dans mes parcelles, qui s’avéraient ne pas être de la bonne couleur. Il est normal de prendre en compte l’intégration dans le paysage », détaille Annie, toujours très volontariste pour améliorer ce qui peut et doit l’être. Elle encourage d’ailleurs volontiers ses collègues, qui ne l’auraient pas encore fait, à s’engager dans cette voie de progrès pour coller à la volonté de l’Inter-profession d’atteindre le score de 100 % des exploitations champenoises certifiées d’ici à 2030. « La certification est d’autant plus intéressante que nous pouvons bénéficier de bonifications sur le prix de nos raisins auprès des acheteurs », suggère-t-elle. Une valorisation non négligeable à ses yeux.
Se préparer à une moindre récolte
Au quotidien très présente physiquement dans ses vignes, Annie guette les symptômes et apparitions de maladies. Très vite, elle peut adapter les doses de produits de traitement à la gravité de la situation. Anticiper est un mot-clé pour cette viticultrice qui annonce se tourner « de plus en plus vers les produits de biocontrôle ». La prédiction est importante, aussi remercie-t-elle les initiateurs, au sein de la section locale du SGV, pour l’installation de trois stations météo bien utiles à tous les vignerons du secteur. « Avec ces équipements, nous disposons d’un outil de travail supplémentaire. Cela ne nous rendra jamais invulnérable face à une répétition de gelées printanières, survenant aussi brutalement et durement que celles subies dernièrement, mais cela nous aide à réagir face aux caprices du climat tout au long de l’année viticole », observe-t-elle. « Quand on travaille avec la nature on sait par avance que les choses peuvent être compliquées. Cette année, je dois me préparer à une moindre récolte et à un travail manuel rendu plus ardu dans les semaines à venir, à commencer lors du palissage qui sera repoussé. Mais pas question de baisser les bras. Ce qui rassure dans ces moments là c’est d’avoir la réserve individuelle. Personnellement, j’y avais déjà eu fortement recours il y a trois ans. Depuis, j’ai pu refaire le plein, heureusement. Ce mécanisme est un avantage énorme pour les vignerons champenois, et très envié ailleurs. »
Hydraulique et plantations de haies
Vice-présidente et trésorière d’une section locale du SGV regroupant une quinzaine d’exploitants, Annie rappelle qu’en lien avec la municipalité un important travail a été réalisé ces dernières années concernant les chemins viticoles. On y roule comme sur un billard : « C’est un vrai plus pour nous quand nous allons travailler, mais également pour les gens qui viennent se balader dans nos coteaux. Quand il sera réalisé, avec l’aide de la Mission Unesco, ils pourront rejoindre facilement le point de vue que nous voulons aménager sur les hauteurs, avec une vue imprenable sur plusieurs vallées du barséquanais (lire en encadré). La réflexion se poursuit maintenant sur la plantation de haies et sur l’hydraulique et je ne me lasse pas d’apprendre dans ces domaines aux côtés des différents experts. Avec Vincent Martin, nous figurons tous deux au sein de la Commission des chemins de la mairie », expose la jeune femme, élue conseillère municipale lors du dernier scrutin de mars 2020.
© Philippe Schilde